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Un marketing de la simplicité
Le simple est ce qui varie de l’idiotie à l’évidence d’une compréhension immédiate. Le simple est avant tout une économie, une économie de pensée et de sentiment – le simple est heureux et ça lui suffit. Le simple c’est de n’user quand la tâche se présente, que ce dont on dispose sans faire d’excessifs efforts. Autant dire que le simple n’est pas un absolu, mais un relatif radical. Il n’y a pas d’originalité dans le concept. Le bon vieux modèle TAM, maintenant infiniment ressassé, en exprime l’essentiel : ce qui compte c’est la facilité d’utilisation et cette facilité d’utilisation c’est le simple. La réduction radicale des efforts nécessaires pour user d’un bien ou d’un service. C’est bien ce principe que poursuivent avec succès Apple ou Nintendo.
Soyons plus nuancé, le simple est la réduction de tout effort supplémentaire au regard de ce que l’on est en mesure de faire. L’économie est celle de l’effort additionnel. L’ambiguïté est que le simple se définit par rapport aux ressources dont on dispose et dans la vie, l’inégalité étant bien dominante, le simple est une affaire bien compliquée. Faire simple c’est donc trouver une solution qui fasse qu’en dépit des différences de ressources, chacun ne se sente pas la nécessité d’y engager plus qu’il ne possède. Alors faisons minimal, mais ce minimal peut heurter ceux qui sont dotés de talents, le simple pourrait devenir idiot, indigent, simpliste. Je ne connais pas de DJ qui se contentent d’un simple variateur de volume, ou de pilotes qui renoncent au passage des vitesses.
Mais le simple est aussi affaire de morale. Il s’oppose à l’ambition, à la perversité, au dispendieux, il est cette éthique qui parfois devient ascétique. Le simple est une modestie, cette règle qui impose que la qualité ne doit pas se dire, et parfois ne même pas s’affirmer. Le simple marche nu-pied quitte à passer pour un rustre. Bien plus que moral, le simple est politique, et dans son dépouillement il délégitime ceux qui font de leurs ors les symboles de la puissance.
Les produits simples ne sont pas toujours ceux qui nous suffisent, mais ceux que l’on consomme pour contester à d’autres une certaine hégémonie. Le marketing de la simplicité peut aussi être la morale de Port-Royal. Un renoncement à l’amour d’ici bas pour l’improbable éblouissement de l’au-delà. Le simple peut dissimuler des intentions tortueuses, et son économie fonde une radicale contestation. Le simple fonde dans sa pauvreté une alternative au discours de la souveraineté. Mais le simple peut être aussi un fou. N’est-ce pas cette sorte de stratégie que poursuit Innocent?
Le simple enfin est une esthétique. Ce minimalisme abstrait qui s’oppose aux désirs baroques, un monisme qui répond au panthéisme ambiant, un naturel qui défie l’artifice, cette idée que le monde peut se réduire à un principe si profond, qu’il est l’essence du monde comme un trait est l’essence de la peinture. Le simple, oui, est aussi un essentialisme. Au pire le rasoir d’Occam. Un classicisme qui épure le corps de ses rides, de ses fronces, de ses bijoux, de ses fards. Bref l’esthétique galbée des années 70 contre les floraisons des années 60, l’épure de Mondrian qui balaie les fauvismes, je laisse aux amateurs d’arts le soin de poursuivre.
Le simple donc n’est pas si simple, moins qu’une vertu, il est une position politique. Et si certains militent pour un marketing de la simplicité, encourageons-les à en comprendre les raisons du succès. En cette fin de la troisième globalisation, et de son troisième effondrement, on comprend que les foules sont prêtes à lyncher leurs dirigeants, ne se reconnaissent plus dans le désordre du monde, et veulent rappeler que les simples ce sont elles.
Le marketing de la simplicité n’est pas une vérité, mais un moment. Un appel de consommateurs désemparés, dominés, écrasés, à ce que les maîtres leur produisent des objets qui leurs conviennent. Des objets qu’ils puissent utiliser, des objets qui les reconnaissent, des objets qui leur disent qu’ils ne sont plus les victimes de la bagarres des dieux, mais des hommes et des femmes qui vivent sans ambitions plus grandes que celle de parcourir leurs vallées et de boire librement l’eau de leur ruisseaux.
Comprenons bien ce message, la simplicité qui semble être demandée n’est pas une économie, n’est pas un ascétisme, ni un minimalisme. Elle est juste d’obtenir ce que l’on croit être juste d’obtenir.
Ne pas oublier la politique de produit ! Une affaire de bouquet.
Que le marketing se focalise sur la question de la relation est une évidence vieille de plus de vingt ans, et si la multiplication des canaux électroniques en renforce l’importance par le fait qu’ils permettent de donner chair à une relation qui a surtout été pensée comme une atmosphère (climat de confiance et degré d’engagement), il ne faut pas oublier ses conséquences en matière de politique de produits et de services.
Dans un petit ouvrage, Philippe Moati, souligne le fait autour de la notion de l’économie des effets utiles et plus concrètement dans l’analyse des bouquets. Ce qu’il appelle l’économie des effets utiles est une idée familière aux spécialistes de marketing. Le consommateur consomme moins les produits que les fonctions et les avantages que ceux-ci produisent. Cette idée va cependant au-delà de cette idée classique de Lancaster que l’on consomme des paniers d’attributs. Ce sont les effets de ces attributs qui doivent être au centre de l’analyse. En achetant un pneu, c’est moins ses caractéristiques de durabilité, de rigidité, de capacité d’évacuation de l’eau sur les routes trempées qui sont achetées que la sécurité ou l’économie que ces attributs produisent.
Nous aurions l’impression de rappeler une évidence si n’y avait un fait important : pour que les attributs du produit fassent leur effet il faut souvent que le consommateur participe et révèle cet effet par ses actions, c’est notamment le cas dans le domaine des services, et plus généralement dans ce qu’on appelle depuis quelques années les consommations expérientielles. De ce point de vue, les perspectives qui mettent l’accent sur le fait que le consommateur participe à la production de la valeur, qu’il est co-concepteur, co-producteur, co-distributeur, bref un prosumer pour reprendre la vieille expression de Toffler, touchent du doigt un point essentiel, même si leurs conclusions sont excessivement naïves et optimistes.
Un bon exemple est celui de la musique, quand autrefois dans nos années de lycée nous achetions une oeuvre conceptuelle tenant en 12 morceaux et une pochette que nous nous échangions, la qualité de la musique désormais provient de ce qu’elle est insérée avec talent dans une play-list composée avec plus ou moins de talent. La valeur d’un titre dépend autant de sa propre musicalité que de l’accord établis avec les autres titres. Quand autre fois le concept-album réalisait cette fonction, c’est le talent de l’auditeur qui l’exécute.
L’idée du bouquet est celle de fournir les morceaux et les moyens de les assembler. C’est ce que font aujourd’hui les Deezer et autres Spotify, quelles qu’en soient les difficultés à monétiser ces offres. Le bouquet comprend le droit d’usage d’un catalogue, mais l’ensemble des moyens qui permettent de valoriser la collection : gestion des play-lists, information corrélative, fonction de recherche et d’exploration, l’auditeur devenant le programmateur de sa radio personnelle.
Mais ne déifions pas le consommateur. S’il gagne la possibilité d’obtenir la bande musicale de ses rêves, celle-ci se fait au prix de sa compétence et de sa disponibilité, ce coût potentiel est ce qui fait l’opportunité des bouquets : en ajoutant une fonction de smart-radio le marketeur reprend la main, et notre prosumer redevient ce consommateur passif que certains pensent voir disparaître. Ne soyons pas sûr que la participation grandissante soit une tendance forte, elle est sans doute le résultat d’une phase transitoire.
L’économie des bouquets se fonde donc sur la relation, un certain degré de confiance, et surtout la cession de nombreux droits sur nos données personnelles, et sans nul doute la technique en facilite les variations et le développement. La relation est essentielle pour faciliter la tâche de l’assemblage des éléments de l’offre.
Ce qui est transformé est finalement la politique de produit. Nous nous éloignons des solutions de tout-en un, pour des solutions personnalisées qui s’appuient à la fois sur une désintégration des éléments de l’offre, mais aussi leur modularité qui facilite leur réintégration. Voilà une bonne matière pour repenser la politique de produit, moins en termes de variété, de gamme, que de l’adaptation aux besoins de degré d’intégration des composants de l’offre et des dispositifs de leurs réintégration.
Pensons ainsi à l’offre musicale de Apple qui se présente sous la forme d’un bouquet constitué d’un terminal et d’un logiciel associé en une seule offre auquel s’ajoute un catalogue dans lequel le consommateur peut puiser en les payant à l’unité les morceaux qu’ils souhaitent. Nous ne serons pas étonnés que si la concurrence s’intensifie sur ce segment, une réponse à cette dernière se présente par l’inclusion dans l’offre primaire d’un noyau de discothèque, le droit d’ajouter 20, 50, 100 titres dans une liste au choix.C’est au fond l’avantage premier des stratégies de bouquets : celui d’assurer une certaine plasticité de l’offre. C’est exactement ce que l’on a observé sur le marché de la téléphonie mobile, qui d’un marché à l’unité a évolué vers une généralisation du forfait.
Au coeur de la politique de produit, le paramètre clé apparaît donc comme le souhait plus ou moins intense des consommateurs à contrôler leur consommation. C’est ce paramètre qui définira l’étendue des éléments du bouquet mais aussi la forme du vase. C’est ce paramètre aussi qui définit la nature de la relation, l’intensité avec laquelle l’information doit circuler.
Réalité augmentée – les toilettes sauvages!
Quand certains s’extasient devant la technique, ne regardons que l’art qui s’exprime par la technique. Pour ma part, je désespérais des publicitaires, ils en est quelques-uns qui au delà de la technique font de l’art et savent communiquer. Je ne sais s’ils ont eu en tête la pissotière de Duchamps, mais ils reprennent à coup sûr cette extension du street art dans le domaine de l’animation (dans le genre je conseille le travail de BLU).
Disons de manière définitive que la réalité augmentée est au fond moins une question de technologie, qu’une affaire d’esthétique et de sémiotique, une affaire de langage. Nous discuterons plus tard du fait technique que la réalité augmentée est aussi une affaire de déréalisation de l’image par le fait même qu’elle permet d’en segmenter la vision.
En attendant apprécions ce très joli message de protection. Bravo à l’agence Tbwa.