On pourrait penser que la communication humaine échappe à ses techniques, ce n’est pas le cas. Une simple lettre est à bien y penser une technologie complexe, l’écrire demande un sens particulier de la langue, comment dire quelque chose à quelqu’un dont on ne sait dans quelle disposition il se trouvera au moment de la lire?
Il nous sera donc ainsi difficile à un mode de communication qui garanti la présence, par son immédiate interaction, et donnant des émotions à la voix, tout en laissant une liberté d’action, personne ne surveille ce que nous faisons en téléphonant. L’histoire des mails est de même nature, quel avantage sur la lettre que sa rapidité, quel avantage que d’être libre du moment de la réponse et de l’effort qu’on y consacre.
A l’analyse ces faits marquent le rôle des technologies : définir ce qui est possible, autorisé, interdit, toléré, laissant au sujet en fonction de ses intérêts d’user des ressources communicationnelles ainsi proposées en fonction de ses stratégies. Que la technologie définisse différemment les ressources disponibles, suffit à faire émerger des stratégies et comportements nouveaux, le champ du possible ne dicte pas la conduite mais délimite son espace d’expression.
Un scénario courant est celui de l’aventure virtuelle. Une conversation anonyme sur un chat peut si elle est satisfaisante migrer vers une messagerie instantanée, le dévoilement du visage sur une photo signant un rapprochement. L’échange vocal ou vidéo conclura à une réelle entente, jusqu’à ce qu’un rendez vous réel soit établi. On peut encore imaginer que la relation soit par la suite pimentée de lettres manuscrites qui diront l’amour né de cette improbable rencontre tatouant le papier par la plume d’un profond sentiment.
Un scénario moins romantique est celui de relations professionnelles, où l’information circule par mail, la résolution de problème par le téléphone, et des décisions se prennent dans le rituel des réunions.
Dans les deux cas la combinaison des moyens qui correspond à des stratégies de dévoilement et de négociation passe d’un média à l’autre jouissant de ses propriété de discrétion (anonymat), d’émotion, de distance, de contrôle ou de soustraction au contrôle de l’autre.
L’influence sociale de ces évolutions est difficile à prévoir ou même à établir. Elle joue sur la localisation des individus, les relations de subordination, les engagements. Ce dont on peut être sûr c’est qu’à mesure que se créent de nouveaux modes de communication, qu’ils s’inscrivent dans les stratégies d’échange social et sont mises en œuvre par la combinaison des canaux, de nouvelles stratégies sont suscitées, et de nouveaux rapports sociaux se constituent.