A l’exemple de la Grande-Bretagne, le gouvernement français s’apprête à multiplier les installations de vidéo surveillance. La CNIL s’est récemment désolée de ses manques de moyens, et sans doute trop peu encore s’inquiètent de la société de surveillance, telle qu’a pu la penser Michel Foucault et quelques-uns de ses successeurs critiques.
Rappelons le concept construit sur une idée de Bentham : un dispositif architectural qui consiste à ce que des centaines de cellules soient observable d’une seule tourelle. Le surveillant n’est pas vu mais est réputé regarder agir les prisonniers. L’idée centrale réside en ce qu’une société de surveillance ne se définit pas par la capacité de voir, d’enregistrer, les gestes de chacun – cela demande une puissance sans mesure- mais par ce que chacun de ses membres pensent qu’elle en est capable. Et de société de surveillance il y aura quand chacun aura modifié ses comportements, ses attitudes, en fonction de ce qu’il pense être surveillé.
Un jour certainement, le consommateur prendra conscience que l’on cherche à prendre pouvoir et à le conduire là ou sont intérêt est absent. Il réalisera que des caméras multiples le scrutent, que l’information déborde des réceptacles auxquels elles sont promises, et qu’il risque à tout moment un dévoilement malheureux qui le laissera nu devant un problème insolvable. Un risque majeur réside dans un rapprochement des fichiers, dont on peut penser qu’il est techniquement inéluctable, seul le droit permettant d’introduire des barrières durables.
Il concevra alors des stratégies de résistance qui pourront prendre la forme d’identité travestie, de mensonges distillés, de connections multiples, de silences discrets. A la surveillance répond la dissimulation.
La société de l’information ne sera pas une société de surveillance, dans la mesure où il est laissé la possibilité par le droit de réunion, de libre opinion et de contestation d’en contrôler les modalités. Dans une échelle plus étroite qui intéresse la relation des firmes à leur clientèle, il en est une application précieuse : il faut mieux permettre à ses clients de nous contrôler avant qu’il ne trouve insupportable le contrôle que l’on tente d’exercer sur eux.
Il y aurait donc ici un argument théorique pour justifier une stratégie de customer empowerment. Pour que le client dissimule peu et se présente dans l’ingénuité de ses désirs, il faut éviter que le regard attentif soit celui de la surveillance, en s’assurant que trois formes de libertés lui soit laissées :
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La liberté et la variété de l’initiative. Le consommateur doit pouvoir dire ce qu’il souhaite, enclencher les achats comme il l’entend, s’engager librement.
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La liberté du contrôle. Le consommateur doit être en mesure de vérifier ce qu’il a obtenu, et la manière dont il l’a obtenu et cela déborde la question du produit et du service.
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La liberté de contester, d’exprimer son mécontentement ou renégocier le contrat, en refuser les termes et en réclamant un nouvel arrangement.